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Lire plusCourriels personnels dans la boîte aux lettres professionnelle : quand la prise de connaissance devient-elle une raison urgente ?
Prendre connaissance d’un courriel personnel dans la boîte aux lettres professionnelle d’un collègue n’est pas une raison urgente, le transmettre délibérément et en toute connaissance de cause à des tiers l’est.
Arbh. Bruxelles 16 octobre 2024, 2022/AB/137
Le Cour du travail de Bruxelles a récemment statué sur un licenciement pour motif grave concernant la transmission à des tiers, par un autre employé, du courrier électronique à caractère personnel d’un collègue.
Les faits étaient les suivants: un employé a consulté la boîte aux lettres électronique d’un collègue pour résoudre un problème avec un client. Le salarié est ainsi tombé sur un e-mail indiquant que son collègue postulait à un autre poste. Il a envoyé ce mail à un supérieur hiérarchique et à un collaborateur d’une autre entité du groupe (responsable RH) avec le commentaire « charmant… ».
Le salarié est finalement licencié pour un motif urgent, qu’il conteste par la suite. Il réclame une indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement manifestement abusif.
Le Cour du travail a déclaré que la consultation de l’e-mail dans la boîte aux lettres de son collègue avait eu lieu dans un contexte professionnel, conformément aux usages de l’entreprise et à la connaissance de ses collègues, et qu’elle était accidentelle et non intentionnelle.
Le tribunal a ensuite précisé que la consultation du courrier électronique à caractère personnel d’un collègue ne constitue donc pas une faute, mais qu’il en va autrement de la transmission délibérée et intentionnelle de ce courrier électronique personnel, et ce pour les raisons suivantes :
- Le salarié licencié ne pouvait pas sérieusement prétendre qu’il ne pouvait pas apprécier le caractère personnel du courriel, étant donné l’ajout de ses commentaires ironiques lors de la transmission du courriel à des tiers ;
- Étant donné que l’e-mail n’était ni adressé à l’employé licencié ni destiné à celui-ci et que cet e-mail n’était pas de nature professionnelle, l’employé licencié a volontairement divulgué cet e-mail à des tiers à la communication.
La Cour précise en outre que s’il est vrai qu’un employé qui prend accidentellement connaissance du contenu d’un courriel personnel d’un collègue n’a pas l’intention de violer les règles relatives à la protection des données à caractère personnel, il en va tout autrement lorsque cet employé transmet ce courriel personnel à deux autres personnes, en l’occurrence un supérieur hiérarchique et un membre du personnel d’une autre entité du groupe.
De plus, la Cour précise qu’un tel acte déloyal entraîne la violation de son obligation de respecter les données personnelles de son collègue, la confidentialité et la confiance qui doit prévaloir dans les relations de travail entre collègues.
Le salarié a également commis une infraction à l’article 124, 4° de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques.
Le Tribunal a finalement rejeté les demandes de l’employé, les motifs urgents étant fondés en substance.
Il convient de noter que le tribunal n’a finalement pas cité les principes du RGPD (Règlement général sur la protection des données) et les principes de l’Autorité de protection des données étant donné l’absence totale de consentement du collègue concernant l’e-mail personnel. Néanmoins, l’e-mail personnel et son contenu constituent des données à caractère personnel au sens de l’article 4.1) du RGPD, puisqu’il s’agit d’informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable. La consultation et la transmission du courrier électronique sont également définies comme un « traitement ».
En effet, on peut conclure que l’employé concerné a enfreint les dispositions du RGV, telles que le principe de limitation de la finalité (article 5, paragraphe 1, point b), du RGV), selon lequel les données ne doivent pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec cette finalité (résoudre le problème d’un client), combiné au non-respect de la minimisation des données (article 5, paragraphe 1, point c), du RGV), qui consiste à ne traiter que les données adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard de la finalité poursuivie.
En fouillant dans la boîte aux lettres de son collègue, l’employé concerné, lorsqu’il est tombé sur l’e-mail en question, aurait d’abord dû décider de ne pas l’ouvrir. On peut tomber accidentellement et sans le vouloir sur un courriel personnel, mais on ne peut pas l’ouvrir accidentellement et en lire le contenu. Cela nécessite des actions conscientes.
En effet, l’employé savait qu’il s’agissait d’un courrier électronique de nature personnelle (ce qu’il ne peut d’ailleurs pas sérieusement contester compte tenu de la remarque ironique) et que ce courrier n’était pas pertinent et suffisait à résoudre le problème du client.
Le tribunal pourrait considérer que la simple consultation « accidentelle »/« non intentionnelle » de l’e-mail personnel n’est pas grave et suffisamment sérieuse pour justifier un licenciement pour motif grave en raison de la violation de la loi sur la protection des données. Toutefois, le tribunal a jugé que la transmission délibérée de l’e-mail privé à des tiers avec l’ajout d’une remarque ironique constituait un pas de trop.
Pour plus d’informations ou de conseils, n’hésitez pas à contacter Damien Stas de Richelle, Damien.Stasderichelle@laurius.be, Senior Partner et Olivia Vansteelant, Olivia.Vansteelant@laurius.be, Senior Associate.