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Les distressed properties dans le secteur immobilier belge.
Une property (un bien immobilier) est distressed (en difficulté) lorsque les revenus générés par ce bien ne suffisent plus à rembourser son financement externe. Un exemple évident est le prêt bancaire qui ne peut plus être remboursé conformément au calendrier de remboursement (default).
On parle également de distressed properties lorsqu’il y a des indications que les obligations de remboursement ne pourront pas être respectées dans l’avenir (proche). Parmi les facteurs déterminants, on peut citer le fait que l’excédent de revenus récurrents est devenu si insuffisant qu’un recul limité ou une évolution négative du marché mettrait en péril le remboursement.
Bien que certains acteurs immobiliers connus aient été sous pression accrue ces derniers mois, le nombre de cas avérés de propriétés réellement en difficulté (distressed) en Belgique est jusqu’à présent resté relativement limité (par exemple, la vente forcée de Toison d’Or par Korea Investment en décembre 2024). Cela est particulièrement notable en comparaison avec d’autres pays où des signes montrent que les financiers agissent généralement de manière plus « stricte ».
Compte tenu du refroidissement du marché immobilier, dû à une combinaison de taux d’intérêt plus élevés et donc de coûts de financement plus élevés, de coûts de construction en forte hausse et d’un nombre réduit de transactions immobilières, la demande de biens immobiliers ayant du mal à suivre le rythme de l’offre du marché, des risques d’augmentation des distressed properties se profilent également sur le marché belge relativement stable.
Pour les acteurs de l’immobilier disposant de liquidités plus importantes, les distressed properties offrent des opportunités, même dans les conditions actuelles du marché et avec des taux d’intérêt encore relativement élevés pour le moment. Après tout, les acquisitions de distressed properties peuvent permettre d’acquérir des biens immobiliers en dessous de la valeur normale du marché, à condition que les investisseurs disposent de l’expertise nécessaire pour gérer des affaires aussi complexes et (plus) risquées afin de conclure des transactions de qualité avec des vendeurs in distress.
Quand parle-t-on de default dans un dossier de crédit ?
Il y a default (défaut) dès que l’emprunteur ne remplit pas une ou plusieurs de ses obligations ou agit en violation de ses obligations envers le prêteur. Cela peut aller, par exemple, d’un changement d’actionnaires de la société immobilière à un retard de remboursement ou à l’absence de notification en temps utile de la résiliation d’un bail.
En principe, tout default donne à la banque la possibilité de rendre le prêt immédiatement exigible, d’exiger des garanties supplémentaires ou au moins de recevoir des informations détaillées sur les causes du default et sur la manière d’y remédier. La pratique montre que la situation est habituellement plus nuancée et qu’une consultation mutuelle constitue souvent la première base de travail pour trouver une solution.
Le contrat prévoit généralement que l’emprunteur a la possibilité de remédier à un default dans un délai raisonnable, appelé cure period (délai de grâce). De toute façon, une banque n’appellera pas immédiatement un prêt à échéance pour une raison mineure, en raison de sa propre responsabilité potentielle dans ce cas.
Un commentaire courant est que la documentation de crédit est néanmoins rédigée de manière plutôt unilatérale en faveur de la banque, sans beaucoup de flexibilité. D’autre part, la banque fournit souvent une grande partie des fonds nécessaires à l’achat du bien immobilier et est donc potentiellement la partie qui subit la plus grande perte lorsque les choses tournent mal.
Le caractère relativement unilatéral et la flexibilité limitée sont avant tout une demande d’information et de consultation de la part de la banque. C’est la banque qui tient la corde, ce qui devrait persuader l’emprunteur de convaincre la banque de poursuivre le crédit, éventuellement moyennant quelques ajustements, et de la convaincre que le remboursement n’est pas menacé en fin de compte. Dans l’autre cas, si la banque ne peut être convaincue, il en résulte de facto un dossier de crédit dans lequel il y a de gros points d’interrogation sur la capacité de remboursement (future) et où la banque n’hésitera pas à prendre des mesures plus rapides en cas de défaut de paiement.
Quels sont les convenants généralement applicables en matière de financement immobilier ?
Lors du financement d’une acquisition, le rapport entre la valeur marchande du bien et le montant du prêt en cours, ou ratio Loan-to-Value (LTV), est souvent pris en compte. Un ratio LTV élevé signifie que le prêt représente une part plus importante de l’investissement immobilier et est considéré comme plus risqué. La banque stipulera donc que le ratio LTV ne doit pas dépasser un certain plafond, en fonction de la solvabilité de l’emprunteur et de l’opération spécifiquement envisagée.
Pour tenir compte du remboursement périodique du prêt en cours et de la fluctuation de la valeur marchande du bien, les parties stipulent généralement un nouveau calcul périodique du ratio LTV afin de vérifier si l’emprunteur reste en deçà du pourcentage maximum stipulé.
Le Debt Service Cover Ratio (DSCR) reflète le rapport entre le cash flow disponible et les obligations de paiement de l’emprunteur. En tant que tel, il indique aux investisseurs et aux prêteurs si un projet génère suffisamment de revenus pour rembourser ses dettes (de crédit). Le ratio DSCR sera calculé sur la base du cash flow disponible d’une part, c’est-à-dire en tenant compte des revenus locatifs du bien immobilier après déduction des paiements des coûts opérationnels et autres dépenses non récupérables, et d’autre part de la partie de la dette à payer avec (au moins) ces revenus locatifs nets, consistant en paiements du principal, des intérêts et des autres frais (commissions) convenus avec la banque.
Un ratio inférieur à 1,00 équivaut à un cash flow négatif. Le DSCR exigé par la banque sera donc supérieur à 1,00. Un ratio trop faible (en raison d’inoccupation du bien ou d’une baisse des loyers, par exemple) signifie un problème structurel dans lequel l’emprunteur devra puiser dans ses fonds propres, ce qui n’est généralement pas une solution durable.
Lorsqu’il s’agit de financer de nouveaux projets en état futur d’achèvement, les banques belges exigent souvent, comme convenant supplémentaire, qu’une certaine part du projet soit vendue à l’avance avant que la construction et le financement puissent commencer. Des pourcentages d’au moins 30 % à même 40 % de prévente ne sont pas rares.
Quand les indicateurs s’allument-ils ?
Les clignotants s’allument certainement lorsque le ratio LTV est trop élevé et/ou le DSCR trop bas, mais également en cas de defaults successifs, bien que récupérés, qui indiquent souvent que l’emprunteur a du mal à faire face à ses obligations.
La banque tentera alors de déterminer s’il s’agit d’une simple coïncidence, d’un contretemps exceptionnel ou d’une situation qui ne peut pas être corrigée par l’emprunteur lui-même.
Quelles sont les mesures qu’une banque peut prendre dans le cas d’un distressed property ?
Si la banque constate que le montant financé n’est pas remboursé comme prévu dans le contrat de crédit, elle peut choisir de procéder à l’exécution des garanties fournies par l’emprunteur. En principe, il s’agit toujours de garanties sur le bien immobilier, notamment d’une hypothèque, associée ou non à un mandat hypothécaire. Un mandat hypothécaire permet à la banque de prendre une hypothèque supplémentaire sur initiative unilatérale (par exemple, en cas d’insolvabilité ou de menace d’insolvabilité). La qualification de droit réel de l’hypothèque présente ainsi l’avantage pour la banque d’être un créancier privilégié (hypothécaire) sur la valeur (de vente) du bien immobilier.
La garantie peut également prendre la forme d’un gage sur des biens mobiliers, comme les actions de la société immobilière, ou d’un gage sur des créances, comme les revenus locatifs spécifiques du bien immobilier ou les débits d’un compte bancaire.
En outre, si la garantie établie est insuffisante ou si une banque ne souhaite pas procéder à l’exécution de celle-ci, pour certaines raisons (par exemple commerciales), les options suivantes sont également possibles :
- l’obtention de garanties supplémentaires, éventuellement sur d’autres actifs de l’emprunteur ;
- les garanties d’autres personnes/sociétés du même groupe. Il convient toutefois de garder à l’esprit l’intérêt social de la société, car le garant lui-même doit pouvoir démontrer qu’il a un intérêt à garantir la dette d’une autre société ;
- analyser si une modification du calendrier de remboursement peut apporter une solution, si les problèmes financiers sont temporaires et/ou s’il est encore possible d’étaler davantage le crédit dans le temps.
La vente forcée d’une distressed property sur un marché difficile peut se traduire par un résultat rapidement inférieur (de 30 à 40 %) à celui d’une vente non forcée (libre). Les mesures alternatives mentionnées sont donc souvent utilisées pour retarder une vente forcée et/ou pour réaliser une vente volontaire dans l’intervalle.
Les banques ont également intérêt à ce que les distressed properties restent en dehors du marché. Un (trop) grand nombre d’entre elles pourrait créer un effet « ripple » sur le marché et entraîner une (nouvelle) baisse des prix, laissant les banques avec des écarts encore plus importants entre les encours des prêts et la valeur de réalisation du bien.
Quelles sont les procédures normalement suivies ?
Nous examinons cette question du point de vue d’une banque qui n’a pris qu’une inscription hypothécaire limitée et qui, à l’exception de ce montant limité, n’a donc pas de priorité sur le produit de la vente de l’immeuble. Elle tentera de sécuriser son risque en pratiquant notamment une saisie.
La banque peut procéder à une saisie immobilière conservatoire. Pour ce faire, l’urgence doit être démontrée, ainsi que l’existence d’une dette certaine, exigible et déterminée. La saisie conservatoire ne modifie pas la situation de propriété ou de possession des biens en question, mais vise simplement à les rendre indisponibles. Concrètement, cela signifie qu’à partir du jour où la saisie prend effet, la partie saisissante (la banque) ne peut être confrontée à aucune aliénation ou hypothèque (supplémentaire) des biens saisis.
Deuxièmement, la banque peut également procéder à une saisie-exécution, qui vise non seulement à rendre le bien indisponible, mais aussi à le vendre effectivement (publiquement ou de gré à gré) pour permettre à la banque de recouvrer le montant (ou une partie du montant) qu’elle a prêté. La saisie-exécution ne transfère pas la propriété à la banque. Elle lui donne seulement le droit de vendre le bien. Le débiteur saisi n’est pas non plus privé de ses droits de possession, mais il perd le droit de disposer du bien saisi (il ne peut plus l’aliéner ni le grever d’une hypothèque ou d’une autre garantie). Une fois le bien saisi vendu, la banque peut réclamer la somme d’argent versée par l’acheteur. S’il y a plusieurs créanciers, le paiement doit tenir compte du rang de ces créanciers (préférentiels et/ou ordinaires).
La saisie-exécution ne peut avoir lieu que sur la base d’un titre exécutoire, tel qu’un jugement ou un acte notarié. En joignant la lettre de crédit en tant que partie intégrante de l’acte notarié accordant une hypothèque, la banque dispose immédiatement d’un titre exécutoire.
Une inscription hypothécaire n’est généralement prise que pour une partie (très) limitée du montant principal du prêt, entre autres en raison des coûts et des taxes payables sur une hypothèque (de 1 % de droits d’enregistrement sur le montant total de l’hypothèque). C’est pourquoi, parallèlement à l’acte notarié d’hypothèque, un mandat hypothécaire est souvent signé. Cela permet à la banque d’agir rapidement en cas d’insolvabilité (potentielle) en prenant une inscription hypothécaire pour le montant restant dû et en obtenant le statut de créancier privilégié, sans intervention directe ou approbation de l’emprunteur. Étant donné qu’aucune hypothèque effective n’est encore prise avec ce mandat, aucun droit d’enregistrement ou frais d’enregistrement ne s’applique non plus.
En outre, le nouveau Livre 5 Obligations du Code civil peut également permettre à une banque d’anticiper (davantage) l’inexécution imminente des obligations (de paiement) de l’emprunteur. D’une part, la banque peut suspendre ses engagements lorsqu’il est raisonnablement clair que l’emprunteur ne remplira pas ses obligations au titre du financement (exceptio timoris), ce qui peut être pertinent, par exemple, dans le cas d’un crédit roll-over qui permet des appels de fonds multiples. D’autre part, le prêteur peut prendre des mesures anticipatives encore plus importantes en cas de menace claire d’inexécution de la part de l’emprunteur – dans la mesure où elle est suffisamment grave – en résiliant unilatéralement le contrat de crédit (anticipatory breach), ce qui lui permet de procéder à la saisie, comme expliqué ci-dessus, et à l’exécution forcée. Ces possibilités sont généralement prévues dans les conditions générales du crédit.
L’ultimum remedium d’un « fire sale ».
On parle de fire sale (vente forcée) lorsqu’un vendeur est contraint de vendre son bien à brève échéance, probablement à un prix très réduit. C’est généralement le cas lorsque le vendeur est de facto en faillite, lorsque son bien est saisi pour d’autres raisons ou, plus généralement, lorsqu’il se trouve dans une situation financière difficile.
La banque n’a alors plus aucune marge de manœuvre pour envisager des solutions pour le prêt. Dans ce cas, il n’y a souvent pas d’autre option que de prendre ce qui reste à prendre, si nécessaire par le biais d’une vente (forcée) à perte substantielle.
Pour les opérations d’une certaine taille, il est possible d’utiliser des produits d’assurance spécialement conçus pour reprendre (certains) risques de vente d’un emprunteur défaillant. En effet, dans le cas d’un fire sale, le vendeur ne sera pas en mesure de fournir les garanties contractuelles habituelles ou requises. Pour y remédier, une assurance sous la forme d’une « Warranty & Indemnity (W&I) insurance » peut assurer (synthétiquement) certains risques, les garanties du vendeur étant alors couvertes par un assureur W&I, moyennant le paiement d’une prime fixe (par le biais soit de l’acheteur, soit du vendeur). En dépit de circonstances incertaines, un « clean exit » peut donc être rendu possible, afin de faciliter un fire sale.
En cas de fire sale, les investisseurs récupéreront-ils un jour leur argent ?
Malheureusement, l’investisseur immobilier risque de ne pas récupérer son argent dans ce cas. Selon toute vraisemblance, la banque sera la première sur la liste, étant donné son statut de créancier hypothécaire. Dans l’ordre, l’investisseur ne vient qu’après les (autres) créanciers privilégiés, de sorte que, surtout dans le cas de distressed properties, il y a peu de chances qu’il reste quoi que ce soit.
Voici quelques principes qu’un investisseur immobilier peut appliquer pour prévenir ou permettre d’anticiper les dérapages aux prémisses du projet :
- Procéder à un contrôle préalable (due diligence) approfondi, non seulement des biens immobiliers dans lesquels l’investissement sera réalisé et de la structure (juridique), mais aussi des conditions concrètes du marché (local) qui peuvent être pertinentes dans le cadre d’une évaluation stratégique du bien en question ;
- La coopération spécifique au projet avec des experts tels que des gestionnaires immobiliers, des conseillers juridiques ou immobiliers est toujours la norme pour l’encadrement professionnel, mais elle est d’autant plus importante lorsqu’il s’agit de gérer les complexités supplémentaires liées à une situation de distressed properties ;
- Gestion active, notamment par la mise en œuvre de mesures concrètes de réduction des coûts, la mise en place d’un contrôle pragmatique de la gestion et/ou le recentrage des relations avec les locataires ;
- Délimitation claire des engagements financiers (les ratios) et des conditions (telles que les exigences en matière de CAPEX, etc.) dans le contrat de crédit, afin d’avoir l’image la plus claire possible des engagements contractuels envers la banque ;
- Des cas de default clairement définis et aussi limités que possible qui peuvent permettre à la banque de mettre fin prématurément au financement et de réclamer le montant emprunté, ce qui présuppose, il est vrai, des négociations de facto sur les conditions de crédit standard (de base) de la banque ;
- Une analyse claire et réaliste et une évaluation des risques liés aux capacités de remboursement, et ce de sa propre initiative plutôt que d’attendre une évaluation ou des instructions de la part de la banque.
13 janvier 2025
Cet article est une mise à jour des articles parus dans Expertise en décembre 2024.
Michael Bollen MRICS, Avocat-associé Real Estate, Laurius
Gertjan Van Hoeyweghen, Avocat Real Estate, Laurius